Dans l'univers des potières d’Edioungou
par la rédaction
Réputée pour ses poteries berbères aux formes et couleurs singulières, Edioungou mérite le détour, sur la route du Cap-Skirring, pour découvrir le travail de ces femmes qui perpétuent un artisanat ancestral. Cependant la pandémie de Coronavirus affecte le commerce de ces accessoires et plonge de plus en plus de familles dans le dénuement. La Covid-19 dont les contrecoups ont frappé de plein fouet une activité de poterie, pénible mais passionnante, et pour laquelle la bonne santé financière dépend en grande partie de l’affluence des touristes, les principaux clients. Les beaux jours où Julienne, une mère de famille recevait la vingtaine de femmes potières, pour l'apprentissage ou le perfectionnement dans la formation, sont révolues. Dans cette concession pleine de cases aux huttes pointues, il n’y a qu’un grand calme plat qui règne synonyme de la morosité économique qu’elle et ses camarades potières ont apprivoisé depuis quelques mois de la plus dantesque des manières. Tout le matériel de travail de Julienne est confiné dans une chambre fermée à clé.

"Soit on les troque pour du riz, du mil ou du maïs, soit c’est une interaction commerciale avec des espèces. C’est avec cet argent que nous payons la scolarité de nos enfants, leur habillement et même celui de nos maris’’
Dans ce village de Basse-Casamance (Sud-ouest du Sénégal), la poterie est tout à la fois une question d’héritage, de moyen de subsistance, et d’art. Dans l’imaginaire des gens du Sud, le village est automatiquement associé à la fabrication d’objets décoratifs ou utilitaires comme les jarres, les salières, les encensoirs, les vases, les amphores, statuettes, cruches, les cendriers…Il est presque impossible de faire le tour d’une concession sans voir un petit atelier aménagé à la confection des objets utilitaires en terre argileuse. Pour autant qu’elles s’en rappellent, la poterie s’est transmise de génération en génération de femmes à Edioungou qui ont historiquement compté sur le troc d’abord comme moyen d’écouler cette marchandise avant la vente formelle aux touristes occidentaux. ‘‘C’est de ces deux manières qu’on a ‘‘vendu’’ nos objets. Soit on les troque pour du riz, du mil ou du maïs, soit c’est une interaction commerciale avec des espèces. C’est avec cet argent que nous payons la scolarité de nos enfants, leur habillement et même celui de nos maris’’, confie une autre potière Judith Bassène. La pandémie de coronavirus a annihilé tout moyen d’écoulement : plus de touristes avec la fermeture des réceptifs hôteliers, et plus de troc non plus puisque les gens n’envisagent pas d’échanger des denrées alimentaires contre des objets superflus en temps de crise sanitaire. Une tâche d’autant plus difficile que, le matriarcat est très prononcé dans ce village au point que, en pleine année scolaire, les enfants vont voir directement leurs mères s’il leur manque des fournitures, plutôt que leurs pères.
Ce chômage technique est pourtant presque comme un soulagement quand ces femmes narrent la modique somme qu’elles gagnent, à partir de 500 FCFA la pièce, par rapport à la pénibilité de leur travail. Entre des sorties incessantes dans les bolongs alentour pour chercher la bonne terre argileuse, la recherche des coquillages pour décorer les ustensiles, le modelage minutieux dans les ateliers, le séchage qui prend des jours, le vernissage, et une cuisson dans des fours traditionnels qui peuvent durer de une heure à trois jours, il va s’en dire que cette activité est très mal rémunérée. Après extraction des bolongs, la terre argileuse subit un processus de dessalement avant d’être mélangé à des coquillages réduits en poudre. Une technique qui a son importance puisqu’elle permet d’éviter que les poteries n’aient des bulles d’air durant la cuisson. Pour donner forme à l’argile, la potière utilise une coupelle en terre cuite pour le modelage de base, puis une planche qui va donner la régularité à la pièce. Les ficelles et bouts de plastique seront utilisés pour les finitions et les arabesques sur la poterie.
En dehors de vendre à perte, les aléas du travail font que l’inexpérience ou l’inapplication se paient au prix fort. ‘’Imaginez tout le travail que nous faisons pour vendre à partir de 500 frs une pièce ! L’argile est difficile à travailler. Il faut beaucoup de temps et de la patience. Parce que si la teneur du mélange n’est pas bien faite, vous perdez tous vos objets au moment de la cuisson. Tout va se casser’’, poursuit Rachelle, de guerre lasse.